Vendredi 7 Juin 2013. Une brise timide des protestations du Gezi Park à Istanbul atteint l’autre rive de la Méditerranée: Achrafieh. Les riverains du jardin des Jésuites à Rmeil se mobilisent devant les portes du jardin pour arrêter les bulldozers.

Beyrouth est une ville grise… Elle manque cruellement de grands parcs, des lieux de vie primordiaux dans toutes les villes du monde.Le grand parc de bord de mer, gagné sur le remblai est encore en projet, et le bois des pins, ironiquement, n’est pas ouvert au public. Le jardin René Moawad (Sanayeh) est actuellement fermé pour des travaux et voilà que la municipalité de Beyrouth a lancé le projet de parking souterrain sous le jardin des jésuites, à proximité de l’hôpital Saint Georges, qui devra accommoder près de 700 voitures et résoudre les problèmes de circulation et de stationnement dans le quartier et ses alentours. Au terme des excavations, le jardin sera réaménagé au-dessus du parking.GOOG MAPS

Cependant, est-ce bien une solution efficace que de rassembler cet énorme flux de voitures dans un tissu au rues étroites? L’accessibilité à ce parking (entrées / sorties) ralentira certainement l’écoulement du trafic et augmentera davantage la congestion. L’objectif premier du projet ne sera donc pas atteint et il vaudrait mieux investir dans la mise en place d’un réseau de transport public performant et efficace au lieu de créer des parkings avec des infrastructures inadaptées pour ensuite élargir les voies et modifier le caractère des quartiers traditionnels. L’urbanisme de voirie qui se concentre autour de la voiture a déjà prouvé son échec .

Et d’ailleurs, peut-on toujours qualifier de jardin un bout de verdure planté sur une dalle en béton? Même si les défenseurs du projet clament que le parking ne couvrira pas la totalité de la parcelle, déraciner des arbres centenaires pour les transplanter de nouveau à la fin des travaux présente des risques de grandes pertes: Même avec un travail très minutieux, tous les arbres ne survivent pas à l’opération.

L’un des rares coins verts de Beyrouth, le jardin des Jésuites est ancré dans la mémoire des habitants, un lieu qui donne au quartier tout son charme. Appartenant initialement aux Pères Jésuites (d’où son nom), le jardin qui comportait un verger était aménagé en “jardin à la française” au plan symétrique autour d’un grand axe perspectif rythmé par les alignements de ses allées. Offert à la municipalité de Beyrouth en 1967, il fut aménagé en parc public où les mosaïques et les ruines de l’Eglise Byzantine de Zahrani (Sud Liban) furent entièrement conservées. Avec la guerre, les colonnes de l’église furent détruites; les plantations aussi.

Le jardin des Jésuites - 1940
Le jardin des Jésuites – 1940

Suite à l’initiative de l’hôpital Saint Georges et du département des parcs et jardins de la municipalité de Beyrouth, le jardin fut réaménagé en 2003 sur une surface de 4400 m². L’Eglise démolie, il en reste quelques fragments de mosaïques (qui pourraient être défigurés après le ré-assemblage au terme du projet), des arbres agés de 400 ans, une aire de jeu pour les enfants et la bibliothèque publique Assabil. Le grand axe du jardin permet de traverser le quartier de part en part sans avoir à contourner les ilots.

Avec 0,8 mètre carré de verdure par habitant, Beyrouth est loin des 12 mètres carrés recommandés par l’Organisation mondiale de la santé. La société civile se mobilise contre ce projet pour défendre cet unique espace public vert du quartier. Rendez-vous au jardin des jésuites le samedi 15 Juin 2013 à 16h.

© Nadim Kamel
© Nadim Kamel
Mosaïque byzantine - © Jihad Kiame
Mosaïque byzantine – © Jihad Kiame
Bibliothèque publique Assabil
Bibliothèque publique Assabil

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